Ou comment alimenter le débat
Ingrédient : huile sur le feu

Comme le merveilleux monde de la gastronomie, plein de licornes gambadant dans un sous-bois fleuri peuplé de délicates fées marraines et de jolies faons, n'est aucunement porté sur la polémique (levez la main ceux qui ont perçu l'ironie), je me suis dit que je pourrais nourrir un peu le feu brûlant des divers débats. Ne vous inquiétez pas: j'ai mes mitaines de four.
Non. Prochaine question?
Messemble qu'il se publie pas mal trop de livres de cuisine. Est-ce que ça tue la littérature?
Collectionner les Ricardo en papier glacé et battre des mains à l'annonce d'un nouveau Josée n'est pas synonyme d'illettrisme. En fait, ça me soulage de voir le Ricardo mijoté en troisième position dans le palmarès Renaud-Bray, juste derrière les deux tomes de Cinquante nuances de froncements de sourcils. Ça fait au moins un ouvrage de qualité dans le top 3.
Bref, ce n'est pas parce que tu capotes à l'idée de caresser le dernier Patrice Demers que ta bibliothèque est obligatoirement remplie que de Sélection du Reader's Digest de 1956. Mais ça ne veut pas dire le contraire non plus.
J'ai feuilleté Kitchen Nightmare d'Anthony Bourdain comme tu le suggérais. Ayoye, est-ce que tous les chefs sont des malades?
Pas forcément. As-tu déjà travaillé avec des comptables?
J'ai entendu beaucoup de mal des menus dégustation. Tsé, moi, ne pas choisir ce que je mange et être à la merci du chef et de ses humeurs, ça me tente plus ou moins. Pourquoi je payerais cher pour que manger soit plate?
C'est vrai que ça a l'air pas mal heavy comme ça, s'asseoir trois heures et demie pour manger d'z'affaires que t'as pas choisies. C'est tout à fait le contraire du menu de chez ta grand-tante, qui n'a pas changé depuis 1956 (elle possède d'ailleurs une impressionnante collection de Sélection du Reader's Digest, à ce qu'on m'a dit). Et c'est justement là que réside le plaisir: dans l'ignorance! Être surpris, que ce soit positivement ou pas, est le but d'un menu à l'aveugle. Bien sûr, il arrive que l'on tombe sur des choses d'un ennui mortel et qu'on regrette. Mais on peut aussi être envoyé au tapis d'admiration devant la créativité. Pour ça, il faut accepter de laisser à la porte ses envies de poula et embarquer dans l'aventure. C'est la différence entre se nourrir (foie), déguster (foie gras) et se laisser surprendre (foie gras aéré).

Bien sûr! Parce que je suis une foodie, une blogueuse bouffe en plus (j'ai tous les défauts), j'exige qu'un repas par jour minimum contienne du foie gras, du caviar béluga (et non du caviar DE béluga, mélangez-pas les affaires, là), des feuilles d'or, un cronut envoyé de New York par jet privé oubedon du café chié par un chat musqué. Sinon, je refuse obstinément de manger.
C'est bien connu, les foodies sont des élitistes coincés pour qui Portlandia ou Les Bobos ne sont pas des séries humoristiques montrant certains de leurs adorables travers, mais bien des documentaires. L'autodérision? Connais pas! Mon blogue est un testament du snobisme le plus pur. J'ai une scoliose sévère inversée à force de regarder tout le monde de haut. En fait, y'a fallu me greffer de nouvelles vertèbres à l'avant du cou pour que mon gros nez soit bien au-dessus de toutes vos affaires.
J'adore les grilled-cheese, mais juste s'ils me sont servis sur le dos d'un éphèbe nu. Pis s'il me prend l'envie d'aller manger de la crap, tu peux être sûr qu'au lieu d'écrire un article là-dessus en faisant un top du snack, je vais me mettre une perruque et de grosses lunettes pis incarner un hit de Céline Dion en étant bien dans ma peau (et prête à recommencer ma vie à zéro si on me surprend sur le fait). Si le livreur du Poula Benny me reconnaît quand j'ouvre la porte, ce n'est pas parce qu'il vient souvent chez moi. C'est parce que je crache su' sa Mazda toutes les fois qu'elle passe dans ma rue.
Peux-tu résumer? C'est que j'ai de la sauce à spag' su'l feu, moé.
Votre degré de détection de l'ironie frôle le zéro kelvin, tout comme votre tolérance à l'humour, aussi douteux soit-il? Donnez-moi votre adresse IP, que je la bloque. La vie est trop courte pour se cultiver des carottes nantaises bio coincées dans le derrière.
*Remarque*
Que ceux qui auraient suivi la saga du Bureau de poste amorcée par le Voir et qui y verraient une critique du texte de Sylvie Isabelle soient rassurés. Même si la critique de Sylvie a causé un mini émoi, le corps de mon texte était écrit depuis longtemps (j'ai tendance à laisser traîner mes bas, mes revues pis mes brouillons de billets). Ce n'est pas d'hier (ni même du mois dernier) qu'on persifle contre les foodies. Pis ça n'arrêtera pas non plus. Mais sachez que mon frigo garni de pots de moutarde et ma liste d'appels sortants vers le Normandin trouvent ça ben drôle.
Pis les memes sont un hommage au Sommelier fou, lui-même pas étranger aux coups de gueule.