(En passant, pas de photo pour ce billet. J'ai préféré laisser votre imagination travailler plutôt que d'offrir des clichés semi-flous et granuleux pris dans une lueur de fin de journée obscurcie par les feuilles d'un gros arbre [je me demande bien son rapport avec la déco, lui].)
On aurait dit que les chefs s'étaient donné le mot, cette semaine, pour offrir un amuse-bouche en commençant le repas. J'en suis toujours très heureuse. Cette fois-ci, il s'agissait d'un cochonnet (pas entier, bien entendu) sur purée et juliennes de céleri-rave (un légume très à la mode ces temps-ci, et je ne blague pas). Le salé de la viande était bien complimenté par l'acidité de la purée, mais dont le goût de cette dernière se révélait vraiment une fois la bouchée terminée. Un bon début, tout en délicatesse.
Nous espérons une étincelle au plat principal, un pavé de veau en croûte de pleurotes, accompagné d'un cannelloni aux pleurotes et poireaux. Est-ce moi qui ai trop écouté d'Iron Chef et je me prends maintenant pour l'un de ces juges que l'on aime tant détester, qui cherchent sans cesse la présence de l'ingrédient secret et chignent que ce n'est jamais assez goûteux? J'ai beau lire deux fois « pleurotes » dans le menu, je ne les goûte pas. La texture du veau ne m'emballe pas vraiment, même s'il ne s'agit pas véritablement d'une erreur de cuisson. Je trouve les pleurotes dans le cannelloni, en cherchant un peu; elles s'effacent derrière le reste de la farce, à mon humble avis. À plus de la moitié du repas, je suis officiellement déçue, même si je suis pleinement consciente du fait que je n'ai rien à reprocher aux cuisines.
Au dessert, j'espère une rédemption. « Étagé de barrettes au chocolat, palais à la mistelle de pomme, pain de Gênes et glace au lait d’amande », avouez que ça sonne drôlement bien. Et j'ai envie de « christianbéginer » en disant que c'était correct, sans plus. La glace au lait d'amande, quoique très soyeuse, semblait peu goûteuse comparée au pain de Gênes, dont le goût d'amande était très prononcé. D'ailleurs, mon fiancé, pourtant pas aussi pointilleux que moi, trouvait le pain granuleux et s'attendait à une texture plus moelleuse. Mais que nous est-il arrivé? Sommes-nous devenus, en l'espace d'une semaine, d'insupportables foodies à la prétention sans bornes, incapables de nous laisser séduire et cherchant le détail imparfait en toute chose? Je ne crois pas. J'ai davantage l'impression qu'il s'agit d'une divergence de palais; ce genre de cuisine, malgré toutes ses qualités techniques indéniables, ne me parle pas. Je constate le savoir-faire, le talent, cela ne fait pas de doute. Par contre, l'emballement n'est pas au rendez-vous. Je n'ai aucune difficulté à comprendre pourquoi cette cuisine est autant appréciée : la technique est impeccable, les saveurs sont délicates et franches en même temps, il n'y a pas là de mystère, c'est droit au but. Mais moi, quand je veux très bien manger, et pas seulement sortir manger entre amis, quand j'ai envie de me gâter, je veux être surprise, intriguée, étonnée (par contre, l'originalité ne doit jamais prendre le pas sur le goût, moléculaire juste pour suivre le buzz, ce n'est pas mon truc). Je tiens à souligner que je n'éprouve pas le besoin compulsif d'être à contre-courant et de snober ce que les autres aiment, loin de là mon intention. J'ai juste envie que l'on me serve un brin de folie, envie d'éprouver une connexion entre la philosophie du chef et la mienne, envie d'une réaction à la fois intellectuelle et charnelle avec la nourriture. Et je sais que je ne suis pas la seule à avoir de ces envies bien définies, fiancé-gourmand aussi. Car une fois arrivé à la maison, il s'est déballé un oeuf Cadbury.