Le soir de l'Halloween, au lieu de profiter de ce prétexte pour 1) me gaver de bonbons cheap payés deux fois le prix, ou 2) enfiler un costume que ma mère qualifierait avec raison de «guédaille», alors que l'emballage précise «costume de femme-chat pour adulte, taille unique, 100% spandex», j'ai plutôt envahi les coulisses d'une cuisine qui n'en était pas une pour assister au premier resto-bulle d'Héloïse.
Quatre mains seulement pour nourrir vingt-cinq convives, une équipe de bénévoles plus à l'aise pour servir les sourires que les assiettes, une salle quasi plongée dans le noir, un rond de poêle et pas beaucoup d'heures de sommeil: un resto-bulle, c'est ça. C'est un pop-up restaurant version Québec, version Héloïse, c'est une tendance mondiale qui fait son petit pop dans la Vieille Capitale (eille, avant Montréal, wouhou!). C'est une soirée sous un thème qui se décline dans et autour de l'assiette, avec une cuisine gastronomique à l'image des grands restaurants de partout à travers le monde (on voit vraiment grand à Québec, on est fendants d'même). C'est un moment à vivre intensément, sans cligner des yeux sinon il disparaît. Ce sont trois, quatre heures qui auront pris des mois de travail.
Je n'entrerai pas ici dans les détails de qui a mangé quoi, où, comment et pourquoi: la chef elle-même le fait sur son blogue, et de bien jolie façon. Mais j'aimerais enfoncer un peu le clou pour ceux qui n'y étaient pas, ou qui ont choké, ou qui sont sceptiques, ou qui haussent les sourcils façon Jacques Languirand, en disant ceci:
- Y'avait de la terre comestible. Oui, comme chez Noma, comme avec le festin victorien d'Heston Blumenthal, et dans un plat hommage à Michel Bras à part de ça (le gargouillou, bien entendu, mais revu par en dessous, pour aller avec la thématique). Qu'est-ce que ces trois personnes ont en commun (à part avoir eu tout un trip avec une cuillère dans un jardin à trois ans, laissés sans surveillance)? Ce sont trois chefs non seulement immensément talentueux, mais qui sont ou qui sont en voie de devenir des légendes. Et Héloïse les émule sans les copier. Ça, c'est inspirant;
- Y'avait une pépite d'or en crème glacée à manger dans le noir complet. Ben oui, pitch black, toé. Sauf si t'avais ta lampe de poche. On n'est pas dans le concept «ohhhhhh c'est un resto où il fait comme vraiment noir, comprends-tu?». On est dans l'expérience totale. C'est ce que je me disais en me léchant les doigts au son de The Coal Miner Song;
- Y'avait des cris de plaisir. Ça, on aime toujours ça, han, ma gang de coquins? Sans tomber dans le cliché porno et la blague douteuse, je tiens quand même à souligner que ce qu'on met dans sa bouche, trois fois par jour (ou plus), doit être source de plaisir. Et quand ça crie, avec des ooohhh, des ahhhh, des «Mon Dieu!», que ça éclate de rire, on sait que l'on vit un beau moment culinaire;
- Y'avait de la moelle de veau en cromesquis, et du radis à la noix de coco. Des stratifications imitant le pâté chinois sur le long, et des gougères à la truffe. Le lien? Il y avait des saveurs rassurantes, comme une doudou gastronomique dans laquelle on se réfugie quand on a juste faim. Et des saveurs surprenantes, des «mon palais reconnaît ça, mais je suis toute pardue», des «je ne peux pas croire qu'elle ait pensé à ça», des «oh que je suis pas sûre de ça sur papier». Avant tout, il y avait de l'inventivité. Un désir de pousser plus loin. Une proposition gastronomique qui peut faire peur, qui peut déranger. Des saveurs et une chef qui brassent la cage un peu.
Héloïse, tu peux brasser la cage de mes papilles quand tu veux.
Pour en savoir plus sur la tendance des pop-up restaurants, leur histoire et le parcours d'Héloïse, écoutez la baladodiffusion de ma chronique à Bien dans son assiette.