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Manger chez une triple étoilée Michelin et manquer de superlatifs

20/2/2011

3 Commentaires

 
Je considère que je possède un vocabulaire, surtout culinaire, assez étendu. Mais après avoir mangé à la table d'Anne-Sophie Pic, probablement la femme chef la plus célèbre du monde, j'ai manqué d'adjectifs pour qualifier ma soirée. À toutes les questions des serveurs et sommeliers, je répondais : « Extraordinaire! Fabuleux! Euh... et extraordinaire! ». Et non, je n'ai pas été téléportée à Valence, mais plutôt à Montréal, au restaurant hôte Toqué!, dans le cadre du volet des arts de la table de Montréal en lumière.

Nous avons amorcé la soirée avec une mise en bouche accompagnée d'un verre de champagne de circonstance (le champagne est toujours de circonstance, si vous voulez mon avis...). Un champagne Fleury, élaboré uniquement à base de pinot noir, cépage qui lui donne une légère couleur rosée. Ça se boit comme du petit-lait et ça accompagne à merveille le trio de bouchées : mini macarons au thé fumé, fourrés à la mousse d'oeufs d'omble, bille de foie gras au zeste de yuzu et guimauve salée aux arachides. C'est surprenant, c'est divin et l'on est déjà convaincus alors qu'aucun service officiel n'a encore été mangé.
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Macaron, bille et guimauve, une mise en bouche ludique et délicieuse, sans faute.
Puis, vient l'amuse bouche. Nous avons jeté un coup d'oeil au menu (j'étais trop curieuse pour garder la surprise) et je me suis dit : tiens, une autre crème brûlée au foie gras. J'adore, mais c'est dans l'air du temps. Je laisse la chance au coureur. Cette crème brûlée, contrairement à toutes ses prédécesseures, est servie tiède, avec une émulsion à la pomme verte. La tiédeur du plat fait bien mieux ressortir la texture soyeuse, grasse du foie, que la froideur habituelle. Je suis agréablement surprise. Mon fiancé a la brillante idée d'utiliser la mie pour nettoyer le bol. On aurait presque pu remettre le bol sur l'étagère.
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Ensuite, mon palais est étonné par le plat de betterave plurielle (un jeu sur les textures, betteraves en mousse, rôties, peut-être grillées) au café Blue Mountain et à l'épine vinette (un petit fruit indigène, semblable à une petite canneberge). Le goût du café ressort vraiment, mais sans amertume. À la première bouchée, je suis perplexe : c'est très salé. Je suis inquiète. C'est une erreur de débutant. Puis, la bouchée terminée, c'est l'acidité de la betterave qui ressort, et le sel prend tout son sens.
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Comment mettre un légume pas assez apprécié à l'avant-plan, au lieu de le reléguer au rôle de petits cubes vinaigrés en accompagnement de tourtière.
Les plaisirs s'enchaînent. Saint-Jacques nouveau genre, avec une légère amertume de réglisse et mousse à l'anguille fumée : j'ai jubilé, texture parfaite (le couteau était une décoration), goût d'anguille juste assez présent, et même l'herbe à l'arôme de réglisse (ma grande peur) était délicieuse. Turbot breton, asperges croquantes, huile de menthe et truffe noire : le meilleur se cachait sous le poisson, soit les asperges et les tranches de truffe. Seul bémol : je ne suis pas fan des poissons blancs, que je trouve souvent fades et manquant de texture (mais c'est une histoire de préférences). Finalement, le clou des services principaux : cerf de Boileau, pamplemousse confit, sauce au fond de veau et clou de girofle. Une cuisson comme ça, c'est inimitable. Oui, la perfection existe. J'y ai goûté. Malgré ma deuxième terreur culinaire après la réglisse, le pamplemousse. J'y ai goûté, parce que c'était dans mon assiette, parce que c'était Anne-Sophie Pic. Le pamplemousse confit, c'est encore plus concentré en saveur que le vrai fruit. Mais avec le cerf, ça tenait la route, c'était un mariage de saveurs logique même s'il était surprenant, basé sur le jeu de l'amertume et du salé.
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Saint Jacques parfaite : comment faire manger des endives à une peureuse de l'amertume. La mousse à l'anguille fumée devrait exister en bouteille.
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Bien cachées, les deux grosses tranches de truffe noire m'ont rendue presque agressive : pas question que le serveur parte avec l'assiette tant qu'il en reste des miettes!
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Même avec un éclairage pas au top, on voit le saignant impeccable du cerf. C'est... magique.
Au plat de fromage, une belle visite vient nous surprendre. Christine Vernay, productrice de vin et amie de longue date de la chef, fait le tour de la salle pour discuter. Elle a trois vins dans les accords au menu et, comme nous étions les premiers arrivés, nous sommes les premiers visités. Je suis enchantée. Pendant une bonne dizaine de minutes, nous discutons de son travail, de sa vision des vins. Aimable et passionnée, elle répond aux questions mais en pose beaucoup aussi, curieuse d'avoir nos opinions. Puisqu'elle me pose la question sur le plat de cerf, je lui avoue que je déteste le pamplemousse, mais que j'ai tenu à y goûter et que j'ai compris la relation entre l'agrume, la viande, la sauce et le vin. Ensemble, nous comparons ses deux côte-rôtie (2007 et 2008) qui accompagnent le cerf. L'un est plus fermé, austère, et gagnera à vieillir un peu, alors que l'autre est bien rond, fruité et savoureux dans sa jeunesse. Je me sens comme François Chartier. Madame Vernay me raconte aussi que sa famille connaît la famille Pic depuis trois générations et que c'est une véritable collaboration, en plus de l'amitié, qu'elle vit avec Anne-Sophie Pic : parfois, les plats viennent avant, parfois ce sont les vins. Justement, ses vins, elle dit vouloir faire les vins que le terroir lui impose, des vins typiques de l'expression du terroir qui change un peu chaque année, et non forcer pour avoir une production linéaire en faisant ressortir sans cesse les mêmes caractéristiques. Ce n'est pas toujours facile... mais elle avoue elle-même faire l'un des plus beaux métiers du monde. Et je me sens choyée, parce que j'ai pu l'entendre en parler... et pendant un peu plus longtemps que les autres, car je crois qu'elle nous a récompensés pour notre intérêt!
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Le plat de fromage, un brie de Meaux fondant avec une tranche de brioche caramélisée... et encore une surprise de truffe noire au fond. Malheureusement, nous l'avons dévoré tiède, occupés que nous étions à discuter avec madame Vernay. C'était tout de même bien crémeux et délicieux.
Vient enfin le dessert, qui est le bienvenu après toute cette orgie de salé. Il s'agit d'un jeu sur le chocolat, le citron et l'arachide, mêlant le croquant et le moelleux d'une mousse. Accompagné d'un cidre de glace québécois, l'Avalanche du Clos Saragnant millésime 2007, c'est plus qu'un délice. C'est réconfortant, jamais lourd, et le cidre est une pure merveille, avec ses arômes de pommes bien cuites, presque confites, où l'on sent le fruit d'abord et très peu l'alcool. Je m'empresse de demander et oui, c'est disponible à notre bonne SAQ... courez, mes amis, courez. Mais, de grâce, laissez-m'en!
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« Comfort food » version Michelin. Les médecins devraient en prescrire contre la déprime hivernale.
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Et la mignardise de fin : un fondant de chocolat noir au poivre rose. Gâtés, nous avons été!
Je pensais que la soirée était terminée. Le serveur nous avait bien dit que madame Pic passerait en salle dire bonjour. Elle est plus que passée, elle est restée une bonne dizaine de minutes à notre table. J'étais en pâmoison. Elle est terriblement sympathique, un tout petit bout de femme, très douce (mais je n'ai pas de difficulté à l'imaginer dirigeant une brigade de cuisine), à l'écoute de nos commentaires. Je lui raconte l'histoire du pamplemousse et elle me dit : « Ah, c'est vous qui n'aimez pas le pamplemousse! ». J'étais sidérée, la productrice lui en avait parlé! Je lui ai expliqué que c'était la deuxième fois en même pas deux mois que l'on me sert, dans des menus dégustation, mes deux plus grands dégoûts culinaires : l'arôme d'anis et le pamplemousse. Je lui explique que si elle n'arrivait pas à me faire aimer ça, il y aurait peu de chance que quelqu'un d'autre réussisse. Et elle nous répète trois fois dans la conversation : « Je vous remercie de votre confiance ». Je comprends ce qu'elle veut dire : elle propose un menu sans choix et les convives doivent accepter ses propositions. Et ses trois étoiles ne sont rien si nous en ressortons déçus (alors que c'est tout le contraire qui est arrivé). Je lui parle aussi de ma crainte de l'omniprésence du sel dans son plat de betteraves, et elle me confirme que c'était en effet pour balancer l'acidité du légume. Je me suis sentie comme si mon opinion culinaire toute entière venait d'être validée en une seule observation. En bonne foodie un peu trop fana, je lui demande une photo. Elle accepte avec grâce, et part même chercher le serveur qui nous servira de photographe. Une perle, cette femme! Je tiens à lui raconter que ma filleule, née tout récemment, porte le même prénom qu'elle et que nous en étions très fiers. Et elle nous demande si notre cocotte est gourmande. Mon fiancé s'empresse de lui sortir une photo de la petite puce, qu'elle complimente. Une fois qu'elle est partie, je me mets à rire incontrôlablement pendant cinq minutes d'un fou rire qui ne cesse pas. Mon fiancé, perplexe, me demande la raison. Je réussis, entre deux hoquets, à lui dire que nous sommes tellement gagas (et probablement légèrement éméchés de tous ces verres de vin) que nous en sommes au point où nous montrons des photos d'un bébé qui n'est même pas le nôtre à une triple étoilée Michelin. À défaut d'être totalement sains d'esprit, nous sommes au moins plus qu'enchantés de notre soirée.
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Deux foodies, une chef et neuf verres de vin chaque : une seule chose cloche dans le portrait!
P.S. Marie-Claude Lortie a elle aussi assisté au souper en plus de rencontrer madame Pic, et son collègue photographe a pris de superbes photos des plats.

P.P.S. Mon voisin de table direct était Daniel Vézina et, en allant chercher nos manteaux, nous avons croisé Normand Laprise. Je me suis sentie drôlement bien entourée.
3 Commentaires
Valérie link
20/2/2011 08:54:33 pm

Ah tiens! Comme je l'ai vue à Tout le monde en parle hier, je peux la reconnaître sur ta photo! Elle a l'air très gentille en effet et les accords qu'elle proposait pendant l'émission m'ont vite fait comprendre qu'elle était très créative! Chanceuse!

Réponse
Caro la snob link
20/2/2011 09:45:58 pm

En effet, Valérie, elle est aussi sympathique et humble qu'elle en avait l'air à TLMEP hier (j'ai d'ailleurs fignolé mon billet en attendant son passage)!

Elle propose des mariages qui sont parfois surprenants (betterave et café, par exemple), mais jamais choquants ni tirés par les cheveux. Elle n'a pas succombé à cette mode de faire passer la créativité avant le goût. C'est là la marque d'un grand chef qui met ses ingrédients à l'avant-plan!

Réponse
Mo
24/2/2011 08:17:40 am

Quelle belle expérience! merci de la partager. Je suis un brin jalouse pour deux raisons; a) de ta facilité de d'exprimer. Tu es tellement bonne que j'ai l'impression d'avoir goûté, vu et finalement, passé la soirée avec vous! b)Quelle chance de découvrir des saveurs aussi différentes et parfaites! Mo xx

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