De comment de quossé, que tu m'dis? De ça: les hommeuh, ça mange de la viande, du steak, des trucs qu i saignent et qui sont pleins d'fer et de testostérone (genre du bacon shooté aux stéroïdes avec une sauce au sang et une douzaine de piments Bhut Jolokia, pis que j'en vois pas un chialer). Les fiiiiiiilleuh, ça ne touche pas à ça. Oh que non! Pis que j'te vouèye approcher d'un couteau, toé. C'est réservé aux porteurs de couilles!
Quoi, tu ne le savais pas? C'est le magazine français Beef! qui le dit avec son slogan «Pour les hommes qui ont du goût»: les femmes prennent trop de place en cuisine (mais co ntinue d'aller m'faire un sandwich, chérie) et, a vec leurs petites mains délicates bonnes uniquement pour le point de croix et la branlette (sans oublier la sénnouiche, mais uniquement après s'être lavé les mains), elles ne peuvent pétrir le pain su'l sens du monde, action qui demande «force, vigueur et résistance physique» (et je cite), trois choses qu'on ne saurait décemment demander à quelqu'un dont le corps a été conçu entre autres pour accoucher. Dixit Le Nouvel Obs, «les sujets sont très centrés sur des "jouets" très masculins comme le couteau».
Femme! Lâche tout de suite cet instrument tranchant! N'as-tu pas lu? La bavette que tu prépares pour ton hommeuh, tu dois la couper avec une lime à ongles. Ou une pince à épiler. Ou un autre instrument dont tu as la maîtrise, comme un fer à friser ou à repasser, idéaux pour les grilled-cheese. Et essaie de ne pas scraper ta mani-pédi ce faisant, ce serait gênant. Tu te mettrais à brailler pis toute, pis Dieu sait que t'es pas mal bonne là-dedans, avoir des émôtionnes pour ton vernis. C'parce que tu manges pas assez de fer pis de testostérone, c'pour ça.
Du yogourt pour ceux qui pissent debout
Interdit aux ovaires
Mes chromosomes m'empêchent de manger du beurre
Merci, Jack Saloon, de préciser que moi, ma tite ploune et mes envies de légumes sont les bienvenues. Je me sens rassurée. Sers-tu aussi de la bière faible en calories qui vient dans une bouteille rose? C'est que j'dois rentrer dans un bikini c't'été, pis j'ai mis du beurre su' mes toasts le 25 décembre pis j'ai pas encore perdu les 3 grammes que ça m'a fait prendre.
Dans un monde idéal, tous les sexes (le tien, le mien, celui du voisin et les autres) auraient le droit de manger la même affaire sans qu'on en fasse tout un plat. En réalité, on divise encore toutes les sphères de l'activité humaine en genres, y compris les besoins primaires. Je comprends aisément, même sans en avoir fait l'expérience, qu'il soit plus pratique pour un homme d'uriner debout. Cependant, en quoi est-ce plus logique que mon chum se nourrisse de beurre, de gras, de viande et, disons-le, de fun, alors que moi, je sois condamnée à manger de la salade, et en plus à culpabiliser après vu qu'y'avait trois croûtons dedans? Pourquoi mon chum aurait-il le droit de préférer le vin rouge, alors que je devrais me contenter de m'habiller en rose et d'en boire aussi? (Surtout que les chiffres nous disent le contraire: les femmes aiment le rouge, et ne se sentent pas trop connes d'en parler... heureusement.) Et si tu as de la difficulté à te définir selon les deux genres établis, tu manges quoi? Ta main pis tu gardes l'autre pour demain?
Gang, on a un problème quand on décide de ce qu'un sexe doit manger en fonction de critères arbitraires et, disons-le franchement, profondément imbéciles et rétrogrades. Les femmes ont le droit d'aimer le steak et le beurre et la laitue, pis dans la même assiette si ça leur tente. Tu n'as pas à te sentir plus femme si tu commandes une salade au resto, et ton chum n'a pas à se ramasser chez le psychiatre à remettre en question sa virilité s'il aime les smoothies au tofu soyeux. Y'a assez de crème glacée pour tout le monde, et ce, peu importe le ti-bonhomme auquel tu te fies pour pousser la porte des toilettes.