Avec les restos, c'est la même chose. Parfois, on est single du bedon (ça fait longtemps que notre intestin n'a pas eu de rapport charnel avec un repas et un verre de vin, à l'exception d'une tite vite au Snack), et une amie (en l'occurrence Tonresto.ca, pas du tout dodue) te propose une blind date avec un resto de ton quartier.
Comme pour toutes les blind dates, t'es un peu hésitante. Mais on n'arrête pas de te dire que c'est un resto sympa, un bon Jack, pas l'amour de ta vie mais au moins une petite idylle pour le brunch ou le lunch. Tu acceptes, un peu curieuse. En plus, il habite dans ton quartier. Si la soirée vire awkward, tu pourras rentrer à pied.
Tu arrives pour rencontrer ton Hugh Grant. Pour l'occasion, appelons-le le Hobbit Bistro. Ça part bien: il ne cligne pas autant des yeux que Hugh. Tu examines le menu de la tête aux pieds, tu arrêtes ton choix sur un tataki de canard. Tu trouves ton resto un peu bavard: «tataki de canard en croûte de café et fenouil, gastrique à la rhubarbe, chutney de figues fraîches, oignons verts et crumble de bleu». Tu te dis que c'est ça, le resto moderne, avec des entrées très, très jasantes. Pour faire passer la nervosité, tu optes pour le vin au verre suggéré, un Puisseguin trop jeune.
Ton cavalier (un pavé de doré pané au parmesan) se laisse désirer. Tu pognes le fixe... Tu te mets à penser à plein d'affaires en attendant: le sort de la banane Gros Michel (pratiquement décimée dans les années 50 en raison d'un champignon), si tu te lances dans des cours de japonais avec Rosetta Stone (c'tu un bon cours, ça?), pourquoi quelqu'un qui sait jouer du banjo aimerait faire un cover de Master of Puppets (tu pensais que les banjos venaient toujours par deux pour faire Duelling Banjos) pis, tant qu'à y être, pourquoi un resto en ferait sa trame sonore. Et si tu te lançais dans l'apprentissage du banjo (au lieu du japonais?). Bref, t'as l'impression que ta date est partie aux toilettes et qu'elle s'est sauvée (avec ton doré en croûte).
Tu déclines poliment le dessert qu'il t'offre généreusement pour compenser sa longue mise en beauté. Tu sirotes ton café en te demandant comment tu raconteras tout ça à ton amie-qui-veut-te-caser. Est-ce un mauvais gars? Pas forcément. Est-ce ton genre? Pas pantoute. Es-tu déçue? Oui, un peu. Utiliseras-tu un procédé littéraire douteux et kitsch pour raconter ton histoire? Assurément.
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700, rue Saint-Jean
