Je suis snob, blogue bouffe de Québec
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Le blogueur, ce con qu'on invite à dîner

18/4/2014

5 Commentaires

 
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PIERRE
Justement, change-toi les idées, viens avec moi, tu vas voir, c'est irrésistible, ces dîners!

CHRISTINE
C'est irrésistible d'inviter un malheureux pour se moquer de lui toute la soirée?

PIERRE
C'est pas un malheureux, c'est un blogueur bouffe, il n'y a pas de mal à se moquer d'un blogueur bouffe, ils sont là pour ça, non?
Les théâtreux d'entre vous auront compris la référence au Dîner de cons de Francis Veber. Les foodies, eux, se seront reconnus dans une énième tentative de les faire passer pour des participants de haut calibre au festival du tarlais.

Marre de la moronnerie

Je le dis d'emblée: j'en ai ras-le-goulot qu'on nous fasse un procès constant pour gniochonnerie. Nous, ce sont les blogueurs bouffe, ceux qui se disent foodies (appellation aussi fourre-tout que vin nature, avec ce que ça comporte de bijoux funky et d'échecs au rance goût de nouvelle fermentation malolactique). On se retrouve soudainement la cible de journalistes, de chroniqueurs, parfois de restaurateurs aussi, qui ont trouvé tout un chapelet d'épithètes plus ou moins sympa à nous accoler, en public ou en privé. Cochez celles qui s'appliquent à vous (plusieurs réponses sont possibles):
  • Faux journaliste
  • Ignare
  • Inculte
  • Incompétent
  • Illettré
  • Profiteur
  • Vendu
  • Amateur
  • Superficiel
  • Prétentieux
  • Béotien
  • Une coche en-dessous de la matante qui commente tous les statuts de Ricardo
Parmi celles ci-dessus, je dirais qu'ignare, inculte, incompétent, amateur, superficiel et prétentieux sont venus à l'esprit de bon nombre de lecteurs de la chronique de Philippe Mollé de samedi dernier dans Le Devoir. Et pour cause: il a invité à un véritable dîner de cons des foodies (lesquels, on l'ignore), certains s'affichant «comme critiques gastronomiques sur leur blogue». Six jeunes dans la trentaine ont ainsi partagé la table de M. Mollé, qui a noté puis diffusé leurs remarques peu glorieuses sur le repas. Le but de l'opération? Je me pose encore la question. Si c'était une étude sociologique, pas de chance qu'elle paraisse dans Nature, quand l'échantillon a exactement six sujets. Pour la qualité de la méthodologie, on repassera. Le résultat? Tous ont passé pour de fieffés nonos: aucun n'a posé de question sur le menu qui, selon le chroniqueur, méritait éclaircissement; aucun n'a parlé du poivre japonais; ils ont tous confondu les endives avec les poireaux; finalement, personne n'a parlé de la fraîcheur de la pâte à choux. Vocabulaire limité («paradis», «pas dégueu», «bouffe pour chats»), remarques insipides, aucune curiosité: voilà la conversation de ces foodies, «dont certains influencent les choix de sortie ou de restaurant». Pauvre monsieur Mollé!
Loin de moi l'idée 1) de prendre la défense de tous ceux qui décrivent le futur contenu de leur estomac sur le web, et 2) de critiquer la personne de M. Mollé. Mais réfléchissons un gros 30 secondes (bon, mettons 5 minutes) à la notion de savoir, de critique et de problème.

Ti-Jos pas connaissant

Ces foodies qui ne posent pas de questions, je ne les connais pas. Ceux que je fréquente sont plutôt du type à bombarder le serveur de questions, non pas comme un quiz ou un étalage de culture gastronomique, mais par curiosité maladive. C'est cette curiosité qui amène bon nombre d'entre nous à lancer un blogue. Le crime dont on nous accuse collectivement, soit d'être des incultes enclins à baigner dans la saumure de leur ignorance, est à la fois vrai et faux: on devient blogueur parce qu'on est curieux (on ne s'assoie pas sur nos feuilles de laurier) et on est curieux parce qu'on ne connaît pas tout (on n'étale pas sa confiture). C'est en restant humble que l'on continue d'apprendre et de se cultiver, au lieu de stagner.

Être critique et être un critique

Une fois, j'ai ri au visage d'une relationniste qui me présentait comme une blogueuse professionnelle. Ce n'est ni mon métier, ni ma spécialisation, ni mon gagne-pain. J'aurais l'ego de Gordon Ramsay si je prétendais le contraire. Normal, donc, que je sois en furie quand on dévalue mon ouvrage de passion en disant que je n'ai pas droit à mon opinion sous prétexte que je suis soit inculte, soit prétentieuse.

Le syndrome du même panier, c'est quand on prend six personnes sans visage, sans nom, qu'on note leurs inepties et qu'on annonce que c'est le lot des foodies et blogueurs bouffe. Ça adonne que dans ce sac réutilisable en jute tressée pris à l'expo végé dans lequel on vient de tous nous placer pêle-même, il y a de tout: des ignares qui bloguent, des cuisiniers qui bloguent, des journalistes qui bloguent, des passionnés qui bloguent, et surtout, pas mal de gens qui refusent spontanément l'étiquette de critique.

Si quelques individus aiment dire qu'ils font de la critique gastronomique, est-ce à dire que tous ceux qui écrivent sur les restos sur leur blogue se prennent pour un inspecteur Michelin? J'vous laisse deviner la réponse (on appelle ça une question rhétorique). Perso, j'ai toujours refusé de dire que je faisais des critiques culinaires. J'appelle ça des comptes rendus, soit le résumé d'une expérience, afin de mettre en lumière le fait que toi, moi, le voisin pis la matante qui commente toujours les statuts de Ricardo pouvons aller au même restaurant, le même soir, à la même table, et vivre une expérience différente. On appelle ça la subjectivité (eille, t'es à veille de refaire ton cours de philo de cégep, toé!). 

Cependant, le fait de refuser l'étiquette de critique culinaire ne signifie pas pour autant que l'on s'empêche d'être critique. Les fées du sens critique se sont tout autant penchées sur mon berceau que sur celui de Marie-Claude Lortie, Lesley Chesterman ou Stéphanie Bois-Houde. La différence, c'est que je ne prétends pas être ce qu'elles sont. Je me permets d'émettre des réserves, des commentaires constructifs et des déceptions, mais je ne pose aucun jugement. Être blogueuse ne signifie pas se délester de toute opinion négative et n'encenser que ce qui est fabuleux. Là, on tomberait dans l'opération pub. À l'inverse, personne n'a le monopole de l'appréciation sous prétexte que c'est son boulot et qu'il en sait plus que nous. Ce savoir gastronomique, et la façon de l'exprimer, place le critique comme référence, non comme président à vie et membre exclusif du club des gens qui ont des opinions.

Quand l'existence même est un problème

Plus je relis l'article, plus je nous assimile à ces trolls qui sévissent sur 4chan ou à ces moisissures de salle de bain qui se multiplient le long du joint. Tous ont autant de vocabulaire et de connaissances, tous sont profondément dérangeants au point où on les qualifient de «problème». À preuve:
Autre problème rencontré par les restaurateurs: les foodies qui s’improvisent critiques gastronomiques et publient sur un blogue leurs expériences et découvertes. Ce ne sont pas nécessairement des experts et leurs commentaires se révèlent parfois sans fondement.
— Philippe Mollé, «Les nouveaux foodies»*, Le Devoir, 12 avril 2014
Avouez qu'on se sent apprécié.

Encore là, c'est la question de notre relative ignorance qui fait dire que notre opinion, que nous professons allègrement sur les réseaux sociaux, n'est aucunement désirée ni respectée. Seuls les experts ont droit de cité (ou de citer, c'est selon). Malheureusement pour eux, Internet et les réseaux sociaux n'ont pas grand-chose à faire avec la notion d'expert. C'est le royaume de l'opinion personnelle, avec ce que cela comporte tout à la fois de pertinence et d'inutilité. C'est la beauté de la chose: tout le monde a droit à son opinion, même si les opinions ne se valent pas.

Et puisque les opinions ne se valent pas toutes, il y a naturellement un système d'écrémage qui se met en place chez le lecteur. Cher critique qui s'offusque de notre présence et de notre discours, êtes-vous si convaincu que le lecteur doit être guidé, éduqué et dirigé que celui-ci est incapable de se rendre compte que certaines opinions sont de piètre qualité? Le lecteur qui tombe sur «se steak étai pas pire jai quasiment toute mangée, y'étai bien cuit mais pas trop non plus pis la sauce étai super bonne, jen ai commander deux fois telement quelle etai bon, genre une sauce comme de la St Huber en boite mais en plus meilleur» a, à mon avis, assez de jugeotte pour se dire que le top de la gastronomie de ce blogueur fictif serait probablement le Toujours 2 Pizzas. Si ledit lecteur aime le Toujours 2 Pizzas, il sera heureux de se fier à l'avis du blogueur; dans le cas contraire, il ne reviendra sur le site. Case closed.

Cela ne signifie pas que les blogueurs les plus connus sont forcément et automatiquement les plus savants. Par contre, cela signifie que le lecteur a le choix de ses lectures et que la tâche du blogueur n'est pas d'éduquer, mais bien de partager. De partager ce qu'il aime, ses goûts, ses passions: un blogue est par définition un espace personnel, rempli de «je» (et un brin égocentrique, avouons-le). Ce n'est pas le Larousse gastronomique, ni l'école Le Cordon Bleu. Comme chez les critiques, il existe des blogueurs plus savants que d'autres, plus érudits que d'autres, plus talentueux aussi. Il existe aussi des mauvais blogueurs, de ceux qui devraient cocher toutes les malheureuses épithètes ci-dessus, de ceux avec qui il est toujours douloureux d'être associé, de ceux dont on se défend bien de partager une même passion dans le cyberespace. Heureusement, ceux-là, un peu comme un hoquet, bien qu'irritants au possible, finissent par s'éliminer d'eux-mêmes.

Et soyons honnêtes quant à la puissance de notre influence: personne au Québec n'a le pouvoir, d'un seul tweet ou d'un seul billet, de ternir la réputation d'un chef ou d'un restaurant. Nous ne sommes pas si dangereux, si ce n'est pour votre tour de taille.
* L'article n'est pas disponible aux non-abonnés. On m'a fait suivre le texte, que je ne peux reproduire intégralement ici pour d'évidentes raisons de droit d'auteur. Il faudra donc vous fier à mon compte rendu et à ma bonne foi.

Comme il faut rendre à un certain gars ce qui appartient à un certain gars, je tiens à dire que l'idée du Dîner de cons est tirée d'une discussion avec Le sommelier fou. Vous devriez lire son blogue le 26 avril, paraît que ça sera juteux, epic et plein d'autres adjectifs.
5 Commentaires
Alice in Québéquie link
21/4/2014 11:49:57 pm

Je n'ai pas lu l'article dont tu parles, mais un truc me choque de ce que j'en ai compris par ton texte.
Ça veut dire que seul les "experts" ont le droit de donner leur avis sur un resto? Ça veut dire qu'un client lambda n'est pas légitime pour dire si il a apprécié ou non son repas, son expérience? J'hallucine. Je propose donc à ces restaurateurs de ne recevoir que des experts dans leurs restos. Pas sur que ce soit eux qui fassent leur chiffre d'affaire....
J'aime manger. Je partage mes expériences sur mon blog, sans me prétendre "critique". Je parle de ce que j'aime et de ce que j'aime moins, en tant que cliente "normale". Si mon avis ne vaut rien aux yeux de certains, ça veut dire qu'ils se foutent de leur clients en gros. Bravo champions!

Réponse
Didi
24/4/2014 05:50:07 am

Chère Alice, je pense que vous êtes allėe un peu loin. Ce proprio de restaurant adore ses clients.......

Réponse
Caroline la snob link
27/4/2014 12:12:31 pm

@Alice et @Didi

En effet Alice, comme le souligne Didi, il y a ici confusion: j'en ai contre les (heureusement rares) critiques gastronomiques qui nous prennent pour des imbéciles et qui chialent qu'on empiète sur leur territoire. Personnellement, je n'ai jamais rencontré de chef ou de restaurateur qui m'ait avoué ouvertement en avoir contre les foodies. Certains sont méfiants, d'autres se demandent ce que nous sommes et pourquoi nous faisons ce que nous faisons, mais je n'ai jamais senti d'animosité ou de jugement de leur part.

Alice in Québéquie link
6/5/2014 07:45:41 am

Bon bah ça m'apprendra à commenter sans avoir lu l'article en question :)
J'ai rebondis, certe un peu vite, parce que ce post de Caroline vient après de nombreux chialage de restaurateur contre des blogueurs (maintenant que j'y pense, en France et aux USA) dans la presse. Je m'en vais essayer de retrouver un lien intelligent.
PS: Caroline, pourtant tu parles bien de "parfois de restaurateurs aussi" dans ton premier paragraphe.

Rémy M. Gagnon link
28/4/2015 05:54:49 am

Bonjour Caroline,

Je suis stupéfait de voir qu'un article de M. Mollé a été l'objet d'une pareille blague... une expérimentation façon Dîner de cons! A-t-il voulu discréditer les blogueurs en choisissant des invités dont il a lu les textes et savait qu'ils n'étaient pas super? A-t-il relevé des critères trop peeky pour les discréditer? Les deux? Franchement,c'est ridicule. Voilà sa crédibilité sur le sujet, à la hauteur de sa blague qu'il a écrite dans le journal... basse! On ne laisse pas impressionner, blogueurs. On fait ce qu'on aime, avec passion et pour nos lecteurs. Des gens comme nous. On est dans le storytelling, pas seulement du storyselling. C'est ce qui nous démarque justement pour la plupart. On publie nos expériences dans le plaisir et non pour plaire à notre éditeur. Il dira ce qu'il veut M. Mollé, dans la grandeur de son égo. Dénigres. Gâtes-toi. Nous, blogueurs, on te laisse ta chasse gardée et tes auto-flatteries. Thumbs up!

Rémy M. Gagnon
chroniquesgourmandesmontreal.blogspot.ca

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