La mauvaise nouvelle : je déménage.
Mettre sa vie dans des p'tites boîtes, c'est légèrement déprimant.
Depuis dimanche, mon appartement ressemble à un logement miteux tiré de Trainspotting, seringues en moins et poils de chat en plus (on m'a dit de me méfier des bébés qui marchent au plafond, mais j'espère plutôt croiser Ewan McGregor tu-nu). En raison d'une entente avec mon propriétaire me permettant de casser mon bail afin de louer ailleurs, j'ai dû transformer mon chez-moi en page de manuel de homestaging. Au final, «enlever tout ce qui est personnalisé» s'est traduit par «ne laisser qu'un lit, une commode et une table à manger». Oh, et un immense minibar. Pour donner l'impression que les occupants passent leur budget meubles dans l'alcool fort. (D'ailleurs, vu l'état de mon appart et l'effet que ça me fait, ça donne envie de vider ledit minibar.)
C'est en mettant mes Tupperware (que je risque de pas r'vouère, si on en croit Pérusse) dans une boîte que je me suis mise à penser à l'importance de la cuisine comme pièce centrale de la maison. Quand je cherche un nouvel appart, j'ai deux priorités : la cuisine et la salle de bain. La première me semble une évidence. La deuxième, c'est surtout parce que je ne vois pas en quoi ça fait gagner du temps, être capable de pisser tout en se brossant les dents. C'est plutôt signe que c'est pas grand-grand chez vous. Ou que t'aimes ça à fond, être multitâche.
La cuisine, c'est plus qu'une pièce où on prépare des repas. C'est mon repaire. C'est là où je concocte du bonheur pour ceux que j'aime (on aura beau dire que c'est out, les cupcakes, mais tout le monde se pitche tout le temps sur les miens chaque fois). Ces derniers temps, minée par la fatigue et le boulot très prenant, j'ai négligé mon poêle. J'ai abusé du micro-ondes pour y faire chauffer repas préparés et quantité astronomique de popcorn (j'ai une petite compulsion, ne me jugez pas). J'avais hâte de me remettre aux fourneaux. Ça n'arrivera pas de sitôt.
Tous mes livres sont dans des boîtes (encore elles, les maudites!). J'ai enfermé entre quatre murs de carton mon Food de Mary McCartney (oui, la fille de), alors que j'avais si hâte de tester ses recettes «végé pas pognées». Pour lui tenir compagnie, j'ai mis les quatre tomes de Papilles pour tous, qui sont une inspiration constante dans mon exploration maison des pistes aromatiques. Et parce qu'ils faisaient tous un peu pitié dans le fond d'une boîte de même, je les ai recouverts de mes livres favoris : celui de l'incontournable Jehane Benoît, cette merveille qu'est I Love New York de Daniel Humm et Will Guidara du Eleven Madison Park et tous mes Marabout qui me font voyager. J'ai fermé et scellé au tape brun qui pogne tout le temps en motton sur lui-même mes inspirations pour deux mois et demi.
Je me console : quand j'aurais fini de charrier toutes ces boîtes, mon frigo et mon poêle à trois blocs de chez moi (de façon théorique; en réalité, j'ai de la misère à ouvrir un pot de cornichons avec mes mini bras de T-Rex), quand j'aurais peinturé tout blanc tout blanc comme dans un tableau de Pinterest, quand j'aurai ouvert mes foutues boîtes et replacé toute ma vie en ordre sur les tablettes, j'aurai une immense cuisine parfaite pour faire autre chose qu'ouvrir une canne de bouffe à chat et un sac de chips. J'aurai un comptoir pour couper des légumes comme une adulte qui mange bien, un lave-vaisselle de grande personne et même un rack pour accrocher des p'tits sous-plats en quaiyoutchou comme d'in revues. Pis tellement d'armoires que je vais devoir me faire un panneau «Où suis-je» comme dans les centres d'achats pis appeler ça «Y'oussé que j'ai sacré ça déjà?».
En attendant, j'ai le sentiment que je vais passer deux mois et demi à m'empiffrer d'affaires qui demandent pas trop de vaisselle fancy ou d'accessoires précis, genre de quoi de plus précis qu'une fourchette pis un couteau à pain (même si on peut faire pas mal d'affaires avec un couteau à pain, comme trancher un bagel ou s'ouvrir le pouce de façon inégale et douloureuse).
Le tout en boubettes, comme la médame de la photo. Parce que tsé, ça sert à rien d'être habillé swell pour manger un Kraft Dinner sans nom dans une tasse.